L’atrésie de l’œsophage

Atrésie-oesophagePlus de 200 bébés naissent chaque année avec une atrésie de l’œsophage et pourtant nous n’en avions jamais entendu parler ! Je vous propose donc ici un humble résumé de mes connaissances, appuyées par tous les articles médicaux et autres thèses fort passionnantes que j’ai lus…

Définition et origine

L’atrésie de l’œsophage est une malformation entraînant la discontinuité « du dit » œsophage, canal qui conduit les aliments et la salive de la bouche vers l’estomac et qui se situe derrière la trachée. On observe deux culs de sacs par rapport à un œsophage normal :

Oesophage normal et atrésique

On parle du cul de sac supérieur pour la partie qui est reliée à la bouche et du cul de sac inférieur pour celle reliée à l’estomac.

Son origine reste un grand mystère, mais tout se jouerait pendant les premières semaines de grossesse. Chaque cellule doit normalement se différencier pour former un organe particulier. Dans notre cas, il va y avoir un « mauvais aiguillage » dans la répartition des cellules de l’œsophage, de la trachée et des bronches. La cause de cette erreur est encore inconnue car elle survient de façon aléatoire, mais les chercheurs n’écartent pas la piste génétique.
Cette malformation est souvent associée à d’autres, notamment à celles listées dans le syndrome de VACTERL (voir article Qu’est ce que le syndrome de VACTERL ?).

Les différents types d’atrésie de l’œsophage

Comme rien n’est jamais simple avec le corps humain, sinon ce serait trop facile me direz-vous, il existe plusieurs types d’atrésie. On les distingue en fonction de la présence ou non d’une communication entre la trachée et l’œsophage (appelée fistule).

L’atrésie de type I

Atrésie de type ILes culs de sacs supérieur et inférieur sont très éloignés et ne se connectent pas à la trachée (7 à 10% des cas)

L’atrésie de type II

Atrésie de type IILe cul de sac supérieur uniquement forme une fistule en s’abouchant dans la trachée (1% des cas)

L’atrésie de type III

Atrésie de type IIIC’est le cas le plus fréquent (80 à 85% des cas) et qui concerne notre fille. La fistule se situe entre le cul de sac inférieur et la trachée

L’atrésie de type IV

Variante du type III dans 4% des cas, la fistule se situe entre le cul de sac inférieur et la limite entre la trachée et les bronches (la carène)

L’atrésie de type V

Atrésie de type VLes deux culs de sacs sont reliés à la trachée par une ou plusieurs fistules (2 à 3% des cas)

Le diagnostic

Avant la naissance, deux principaux faits peuvent mener le gynécologue sur la piste de l’atrésie. La mauvaise visibilité de l’estomac à l’échographie d’une part et la présence importante de liquide amniotique dans l’utérus (on parle d’hydramnios).
En effet, pendant la grossesse, le bébé avale le liquide amniotique, le « digère » puis l’évacue par les urines. L’estomac est donc normalement visible par contraste quand il est rempli et le niveau de liquide reste assez stable. S’il ne peut pas avaler le liquide à cause de son œsophage en cul de sac, l’estomac ne pourra pas se remplir et la quantité de liquide amniotique va augmenter anormalement. Je tiens donc à signaler que je n’étais pas seulement « ample » qu’à cause de mes kilos en trop !

A la naissance, les sages-femmes font systématiquement passer une sonde dans la bouche du bébé jusque dans son estomac pour vérifier qu’il n’y ait pas d’obstruction. Vous comprendrez donc que l’atrésie est facilement détectée à ce moment là.

Plus tardivement, une quantité de salive importante, des fausses routes pendant les tétées ou encore des difficultés respiratoires peuvent être signe d’une atrésie. Le diagnostic est rapidement confirmé par radiographie de l’abdomen.

La prise en charge thérapeutique

La réparation de l’œsophage ne peut s’effectuer qu’avec une intervention chirurgicale.

La fermeture de toute communication avec la trachée est l’opération la plus urgente car il y a risque de complications respiratoires graves si la salive et le lait arrivent dans les poumons.

En cas de grande prématurité ou d’écart trop grand entre les deux culs de sacs, il est nécessaire d’attendre que le bébé grandisse pour rétablir la continuité de l’œsophage.
En attendant, il y a deux façons de procéder pour l’alimenter sans passer par la bouche. La première est la gastrostomie qui consiste à poser un petit tuyau entre l’estomac et la peau du ventre pour pouvoir y injecter directement le lait, on parle de nutrition entérale. La seconde est la perfusion sanguine, on parle alors de nutrition parentérale.

La plupart du temps, et ce fut le cas pour notre fille, le raccordement des deux culs de sacs et la fermeture des fistules se font en même temps. L’alimentation se fait grâce à une sonde nasogastrique jusqu’à ce que le bébé puisse s’alimenter seul.

Pour raccorder les deux culs de sacs, le chirurgien va pratiquer une incision sur le côté droit de la poitrine sous anesthésie générale. Il va alors suturer les deux parties d’œsophage, ce raccord s’appelle l’anastomose. Si les deux parties sont trop éloignées, il sera nécessaire de greffer un segment du tube digestif pour combler la partie manquante. Si le chirurgien utilise un bout de colon, on parle de plastie colique. S’il utilise un bout d’estomac, on parle de plastie gastrique.

Le bébé pourra alors s’alimenter seul au bout d’une semaine. En cas de prématurité ou de malformations associées, ce délai peut être plus long.

Les complications et leurs traitements

Le pronostic de survie dépend fortement du poids à la naissance. Au dessus de 1,5 kg, 100% des opérations sont un succès. En dessous, ce taux descend à 65% surtout si l’atrésie est associée à d’autres malformations, notamment cardiaque. Malheureusement, comme pour toute intervention chirurgicale, le risque zéro n’existe pas.

Chaque complication dépend du type d’atrésie et de la technique chirurgicale employée. Voici les principales troubles associés à cette malformation :

La sténose

Après quelques mois ou mêmes quelques années, l’œsophage peut se rétrécir au niveau de la suture. Les aliments ont donc du mal à passer et à descendre vers l’estomac, provoquant des difficultés de déglutition, des douleurs, des étouffements, voire des malaises. Sous anesthésie, les médecins peuvent alors pratiquer des dilations au niveau du rétrécissement. Un petit ballonnet est introduit par la bouche et gonflé pour élargir le passage.
Afin de vérifier la formation ou non de ce rétrécissement, le bébé va boire un liquide de contraste qui permet de visualiser par radiographie sa progression dans l’œsophage, l’estomac et l’intestin. Cet examen s’appelle le transit œso-gastro-duodénal (TOGD). Le reflux gastro-oesophagien peut également être diagnostiqué grâce à ce principe.

Le reflux gastro-oesophagien (RGO)

Entre l’estomac et l’œsophage se trouve une valve qui empêche la remontée des aliments vers la bouche. Lors de l’opération, le chirurgien peut être amené à étirer fortement les deux culs de sacs pour les souder entre eux, on parle d’anastomose sous tension. La valve est alors distordue et ne peut fonctionner normalement. La position de l’estomac est elle aussi modifiée. Celui-ci peut avoir des difficultés à se vidanger et renvoie donc son contenu vers la bouche.
En plus des aliments, le contenu acide présent dans l’estomac peut remonter dans l’œsophage, irritant la suture, favorisant la sténose et provoquant des régurgitations douloureuses.
Pour traiter le reflux, les médecins prescrivent des médicaments anti-acides. Ces derniers n’empêchent pas les régurgitations mais limitent leurs effets néfastes sur l’œsophage. Pour éviter le reflux, il est conseillé d’attendre au moins 45 minutes après le repas avant d’allonger bébé sur son lit qui sera incliné (on parle de proclive avec un angle d’environ 30°).
Si ces méthodes ne s’avèrent pas efficaces, le recours à une nouvelle opération chirurgicale est nécessaire. On pratique un « Nissen », un manchon est créé autour de la valve pour renforcer cette barrière naturelle.
Même si je parle ici d’une pathologie, il ne faut pas oublier que la croissance de l’enfant et l’acquisition de la position assise puis debout diminuera les problèmes de reflux.

Les problèmes respiratoires

Des toux chroniques, des bronchites ou des crises d’asthme sont fréquentes. La présence de fistules rendent souvent la trachée et les bronches « molles », on parle respectivement de tracheomalacie et de bronchomalacie. Le moindre virus a donc plus de facilité à pénétrer dans l’organisme.
Chez un bébé atrésique, la production du mucus peut s’avérer insuffisante. Normalement ce dernier recouvre la surface des voies respiratoires, « attrape » les particules indésirables de l’air et les transporte jusqu’à la gorge pour qu’elles soient avalées. Si ce mucus est insuffisant, moins fluide et plus sec, le bébé doit tousser pour l’évacuer. La mollesse de la trachée entrave le passage de l’air et provoque un bruit caractéristique lors de la toux… Le reflux peut également irriter les voies respiratoires.
Il n’existe pas de réel traitement, la croissance de l’enfant et la maturation de son appareil respiratoire corrigent petit à petit ces problèmes.

Les problèmes orthopédiques

L’ouverture du thorax lors de la chirurgie peut entraîner une mauvaise croissance des os du dos et des côtes. Cela peut aller d’une simple déformation de la cage thoracique à une scoliose.
La kinésithérapie, la rééducation et dans certains cas la chirurgie peuvent corriger ces problèmes.

Au quotidien

Les interventions chirurgicales, le passage des sondes, les douleurs provoquées engendrent souvent des troubles de l’oralité. L’alimentation au sein, au biberon puis à la cuillère peut s’avérer très difficile mécaniquement pour l’enfant entrainant un blocage psychologique vis-à-vis des repas. Les médecins et les nutritionnistes préconisent alors la prise de petits repas enrichis et conseillent d’aborder les repas dans une attitude toujours positive et ludique quand l’enfant est plus grand (aide en cuisine, élaboration de jolies assiettes,…).

Dans notre cas, l’opération de notre fille s’est bien déroulée. Les examens ne montrent pour le moment aucun signe de sténose et une faible tracheomalacie. L’hiver doux a eu raison des microbes et sa toux matinale diminue de jour en jour. Même si notre combat contre son reflux continue encore, nous espérons bientôt pouvoir le gagner grâce au goût d’Elise pour les aliments plus solides ! Nous essayons toujours de rester positifs. A chaque problème, sa solution. En restant lucides, ce qui fonctionne un jour ne fonctionne pas forcément le lendemain mais quand on regarde en arrière, nos problèmes liés à son atrésie de l’œsophage se sont clairement améliorés.
Comme pour toutes les pathologies liées à VACTERL, les complications et les traitements sont différents en fonction des enfants. Il n’y a pas de schéma type, pas de solution miracle… Il faut espérer et croire à l’arrivée de jours meilleurs !

Pour tout complément d’information, je vous invite à visiter le site de l’Association Française de l’Atrésie de l’œsophage, qui m’a gracieusement fourni les schémas.

Un grand merci à mon ami Vincent pour son dessin !

Commentaires(9)
  1. emilie 16 janvier 2018
  2. Severine 3 avril 2017
  3. Laurent Berthol 12 août 2016
    • Une sur trois mille 18 août 2016
    • Kffanto Blandine 7 novembre 2016
  4. Anne Laure 16 mars 2016
    • Une sur trois mille 16 mars 2016

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