Les malformations cardiaques
Parmi toutes les pathologies associées au syndrome de VACTERL, la cardiopathie de notre fille est sans doute la plus compliquée. Les premiers mois ont été rudes, car Elise avait besoin d’oxygène jour et nuit, même à la maison. Sa malformation est appelée ventricule droit à double issue assimilée à une Tétralogie de Fallot sévère car elle est associée à un rétrécissement serré de la voie pulmonaire.
En juin 2015, elle a finalement subi une première intervention palliative, en attendant, juin 2016, la réparation complète de sa malformation.
Bizarrement, celle-ci n’impacte plus notre quotidien, comme peuvent le faire son atrésie de l’œsophage ou sa malformation anorectale. On aurait presque tendance à l’oublier… mais elle plane comme une ombre au-dessus de nos têtes. Pourquoi ? Le cœur n’est-il pas l’organe le plus précieux, au même titre que le cerveau ? Je sens que je vais me mettre à dos tout le reste des spécialistes…
Je ne me risquerai donc pas à vous expliquer ici le pourquoi du comment de la chose. Nous avons nous-mêmes encore beaucoup de questions sur l’opération à venir, les risques, les complications possibles et la vie future de notre fille avec son « nouveau » cœur.
Joker ! Un cardiopédiatre de l’hôpital a gentiment accepté de répondre à mes questions.
Mais avant toute chose, pour bien tout comprendre ce qui va suivre, voici un petit rappel sur le fonctionnement normal de la circulation sanguine :
Image provenant du site http://jobert.free.fr
Dans la population générale, quelles sont pour vous les pathologies traitées les plus courantes ? Pouvez-vous en expliquer les origines, les caractéristiques et leurs traitements ?
Tout d’abord, il y a les cardiopathies les plus fréquentes qui sont suivies mais pas forcément traitées. Il y en a des moins fréquentes qui peuvent être traitées uniquement médicalement. Et enfin, il y a les cardiopathies qui doivent être opérées.
Les origines des cardiopathies sont souvent génétiques comme par exemple, la trisomie 21, le syndrome de Digeorge (délétion du chromosome 22), le syndrome de Turner (manque d’un chromosome X chez une fille), ou d’autres syndromes comme le VACTERL dont l’origine génétique est suspectée mais non avérée. Cependant, pour bon nombre de cardiopathies, il n’y a pas de facteur explicatif évident.
Il y a donc plusieurs types de cardiopathies :
Les shunts (autrement dit « court-circuit »)
Ils peuvent être « gauche-droite » c’est-à-dire que le sang du cœur gauche (sang oxygéné issu des poumons) ira dans la circulation droite, vers les poumons. En pratique, toute communication entre le cœur gauche ou la circulation gauche avec le cœur droit ou la circulation droite entraînera un shunt « gauche-droite » en l’absence de « barrage » du côté droit. En effet, les pressions gauches (ou systémiques) sont supérieures aux pressions droites (ou pulmonaires).
Ce type de cardiopathie entraîne un excès de débit sanguin dans les poumons, provoquant un essoufflement des patients lors des biberons avec difficulté d’alimentation et de prise pondérale, voire un essoufflement permanent). Cet excès engendre donc un manque de débit dans la circulation générale, dont les symptômes sont l’intolérance digestive et les vomissements essentiellement.
On les traite par une restriction hydrique avec enrichissement de l’alimentation, voire une alimentation entérale avec plus ou moins de diurétiques et plus ou moins de traitements médicamenteux faisant baisser la tension systémique dans le but de diminuer la différence de pression entre les deux circulations et donc le passage G/D.
Il existe également des shunts « droite-gauche » avec une communication mais un « barrage » du côté pulmonaire. Dans ce cas, ce sera le sang issu de la circulation droite, désoxygéné, qui ira du côté gauche.
Tout shunt « gauche-droite » évolue naturellement en l’absence de traitement médical et/ou chirurgical vers un shunt « droite-gauche » du fait de l’élévation progressive des pressions pulmonaires. Ce phénomène entraîne ce qu’on appelle une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) qui deviendra supérieure aux pressions systémiques et exercera alors un « barrage » pulmonaire inversant le shunt.
Les patients présentant un shunt « droite-gauche » sont généralement tous opérés. Avant la chirurgie, à l’inverse des shunt « gauche-droite », ils nécessitent des apports hydriques optimaux mais ne nécessitent pas forcément d’autre traitement et très rarement d’oxygène.
Les malformations cardiaques cyanogènes
Ces malformations rendent l’enfant cyanosé, désaturé. Cela signifie que la circulation sanguine générale est insuffisamment oxygénée.
La Tétralogie de Fallot est la cardiopathie cyanogène la plus fréquente, une communication interventriculaire (CIV) est associée à un rétrécissement pulmonaire. Ce dernier fait augmenter la pression du ventricule droit au-dessus de celle du ventricule gauche. Par conséquent, le sang bleu désoxygéné se mêle au sang rouge oxygéné.
Image provenant du site http://lemire.svt.free.fr
La deuxième cardiopathie notable est la transposition des gros vaisseaux. L’aorte, normalement issue du ventricule gauche, est issue du ventricule droit et inversement pour l’artère pulmonaire. Ainsi, le sang bleu arrivant dans le ventricule droit est renvoyé dans la circulation générale tandis que le sang oxygéné arrivant des poumons leur est réadressé (il y a deux boucles non communicantes).
Cette malformation se traite par la création artificielle d’une communication, permettant un mélange des sangs entre les oreillettes du nouveau-né (atrioseptostomie de Rashkind), suivie d’une chirurgie de détransposition des gros vaisseaux ou « switch ».
Les atrésies pulmonaires, quant à elles, se caractérisent par l’absence d’ouverture de l’artère pulmonaire. Le sang ne peut donc pas passer du ventricule droit aux poumons. Elle s’associe ou non à une CIV.
Il existe aussi tous les enfants présentant un ventricule unique qui sont désaturés du fait d’un mélange obligatoire du sang bleu et rouge dans leur cœur. La stratégie pour ce type de patients et d’assurer une vascularisation suffisante mais non excessive pour le poumon (généralement grâce à une chirurgie, sauf pour les formes rares « équilibrées ») puis de dériver en deux chirurgies la circulation veineuse systémique directement sur les artères pulmonaires.
Il existe enfin les obstacles à l’éjection du sang. Côté pulmonaire, c’est un rétrécissement traité le plus souvent par cathétérisme interventionnel : un médecin monte par une veine un ballonnet sous contrôle radiologique jusqu’à la valve pulmonaire où il le gonflera pour dilater le rétrécissement. Côté aortique, c’est un rétrécissement et une coarctation de l’aorte traités le plus souvent par chirurgie (mais possibilité également de cathétérisme).
Concernant VACTERL, observe-t-on un type de cardiopathies récurrent ou tout type de pathologie peut s’inscrire dans ce syndrome ?
Les communications interventriculaires (CIV) et les communications interauriculaires (CIA) sont les plus fréquentes puis suivent la transposition des gros vaisseaux et enfin la Tétralogie de Fallot.
Quelles sont les principales pathologies engendrées par une malformation cardiaque ?
Chez l’enfant, ce sera la croissance qui sera affectée. Tous les organes peuvent être atteints mais en premier lieu les poumons et les reins par leurs interactions étroites avec le cœur.
Comment s’organise le parcours de soin ?
Le patient est adressé au cardiopédiatre soit en anténatal par l’obstétricien suivant la grossesse, soit en post-natal par le pédiatre ou un médecin généraliste constatant une anomalie orientant vers une cardiopathie.
Ensuite le suivi et le traitement cardiologique et l’orientation ou non vers un chirurgien est géré par le cardiopédiatre. Tout ce qui est extracardiaque (vaccin, alimentation, autres malformations) peut et doit être suivi par un pédiatre traitant et/ou surspécialiste si besoin.
Pendant la grossesse, y a-t-il un risque pour le bébé et son développement ?
Dans l’immense majorité des cas non car la circulation fœtale comporte plusieurs shunts naturels qui pallient une éventuelle anomalie ou une absence de développement d’une partie du système cardiovasculaire. Par ailleurs, l’oxygénation du sang étant assurée par le placenta, il n’y a pas d’impact à ce que les poumons soient plus ou moins vascularisés.
Quelques rares pathologies s’expriment dès la période anténatale comme l’anomalie d’Ebstein ou les troubles du rythme, qui ne sont que très rarement associés à une malformation cardiaque.
Plus tard, la pratique d’une activité sportive ou tout autre type d’activité lié à la vie « normale » d’un enfant peut-elle être à proscrire ?
Cela dépend de la cardiopathie et surtout du résultat chirurgical. L’enfant sera suivi régulièrement par son cardiopédiatre, notamment grâce à des échographies. En grandissant, son état de santé général pourra confirmer ou non la pratique d’une activité sportive.
Un grand merci au cardiopédiatre pour toutes ces explications et pour tout complément d’information, l’Association Nationale des Cardiaques congénitaux (ANCC) met à disposition sur son site internet une fiche détaillée des différentes malformations cardiaques.
Cet article m’a redonné envie de regarder le dessin animé des années 80 « Il était une fois la vie »… pour suivre le cheminement des petits globules rouges portant à dos leurs bulles d’oxygène, pas vous ?